dimanche 12 octobre 2008

Pêcher dans un chapeau

Si on le palpe
Nous ne craignons pas de le dire, nous sommes là en présence d’un cas patholigique. Le sujet a des visions, il développe des hallucinations inconcevables; dans un délire d’artiste, il entend, en écho de son âme, la respiration ample et bien rythmée d’un oiseau à la silhouette squelettique. M.T. est particulièrement prédisposé à tenter des expériences, de nombreuses expériences. De son calme regard, il voit d’infinis horizons de flammes. Avec une inlassable persévérence, il transforme l’aphone en ténor.

Examinons toutefois, dans une chambre obsure, cette phase d’extase. Le Sujet déclare alors voir sur le papier blanc se dessiner des cercles qui iront s’élargissant, suivant des lois immuables, (microcosme/macrocosme?) il prétend que l’homme n’est pas seul à rayonner, qu’on ne vibre pas assez. Le sujet hésite, il a de l’ardeur, de l’entrain, il passera des mois les yeux révulsés dans un fauteuil, souffrant d’insomnie, de crises de nervosisme et de périodes de constipation opiniâtre. Mais le papier écrit se sature sous le coup d’une émotion, il a de belles envolées et son écriture monte; l’inconscient il l’a vu partir du sommet de comme une rivière roulant ses flots transparents. M. s’entête, s’excite.




















Si on le heurte
«Ouvrez les yeux!» «Ouvrez les yeux!» Cette idée fixe l’obsède et sa pensée exaltée accumule comme dans les tiroirs d’un meuble, des outrances, des portraits précis dont les découpages en petits rectangles fascinent. C’est alors que M. T. ou son double squ’lettique, eut la certitude que l’œil qui regarde les femmes—l’oeil perroquet— l’œil objectif qui photographie ce que personne ne saurait voir, que cet œil peut être radicalement remplacé par une boule métalique ou par un assemblage d’objets organiques. Une telle pratique ne nous paraît pas normale, mais suivant en cela l’instinct d’un lapin névrosé qui brusquement se jette à l’eau, le sujet donne naissance à son œuvre.



Si on le tiraille
Dans un but scientifique, les docteurs Bourru et Burot ont placé le sujet entre deux chaises; dans un plan horizontal le corps est droit, les jambes bien tendues, il a l’air d’une poupée aboulique. Il voit se tracer deux lignes droite parallèles, l’une blanche et l’autre noire qu’il fixe du regard alternativement, il s’élance vers les lignes et arrive rapidement jusqu’au point G. Là, tournant un peu sur lui-même, son corps fléchissant de côté forme presqu’un demi cercle, la tête inclinée sur la ligne blanche. C’est dans cette position, ainsi courbé, qu’il avance latéralement vers l’extrémité de la ligne noire, regardant avec anxiété ce qui la termine. M. T. assiste donc à une scène extatique; il attribuera aux signes une valeur réelle; le bruit de la mer, de la pluie qui tombe sur un toît, du vent dans les arbres, le bruit d’une cascade. La vue d’un corbeau aux idées funébres provoquera ainsi des douleurs plus ou moins vives. La ligne blanche l’attire; il s’en approche en oscillant mais quelque chose semble le retenir, il la regarde et son corps se penche vers elle, les pieds restant immobiles près de la ligne qu’ils touchent presque. La ligne blanche se termine par un serpent S, et deux étoiles, X et O, sont traçées à la craie sans réelles intentions à une égale distance des deux lignes. Une brusque chute du corps attribuée à l’unique influence exercée par les lignes nous laisse supposer un état cataleptique. Le corps est droit, aussi raide qu’une tige de bois, ses mains touchent sa poitrine, il tambourine des doigts, se tâte le cœur et à partir de ce moment, ses facultés sensorielles s’avivent. Il entend une douce musique dans son cœur, phénomène surprenant, certes, mais absolument inoffensif. Les docteurs lui font fixer intensément un carré vert. Un homme volupteux sème du gazon qui germe, croît et meurt. Cette vision provoque une sensation désagréable. Par un effort cérébral il remplace le carré vert par un papier blanc. Le sujet devient lucide et il trace des cercles, qui noircis de charbon deviennent des MIROIRS MAGIQUES.

Il faut voir cet acte comme une lettre d’amour écrite à sa femme.