Nelligan
Fragments de rêvesJ’ai connu Émile Nelligan alors que nous étions tous deux internés à l’asile Saint-Jean-de-Dieu. J’assistais avec lui à des séances d’onirothérapie, une nouvelle cure popularisée par les docteurs Bourru et Burot, lesquels avaient eu à l’époque un certain succès dans le traitement des psychoses dans les milieux bourgeois de Paris. À ce moment, Nelligan menait depuis longtemps une vie cloîtrée, tournée vers son monde intérieur où seule une faible lueur du réel parvenait. Ce qu’il me reste de ces rencontres avec Émile, ce sont des fragments de textes qui évoquaient ses rêves tourmentés, que j’avais alors notés dans mon carnet de dessin. Des années plus tard, j’ai transcris ces rêves à la craie sur des ardoises et les images qui se sont matérialisées mettent en lumière l’âme insomniaque et ténébreuse du poète. C’était un peu avant qu’Émile Nelligan sombre dans une longue nuit sans fin où seules les ombres ont une vie à raconter. Sous les amas de cendres, une voix se fait entendre, incessante comme un mantra, elle murmure : « Veux-tu m’astraliser la nuit ? Veux-tu m’astraliser la nuit ? Veux-tu m’astr...».
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